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Dramont - La vie au village

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 Dramont - La vie au village


LA CITÉ OUVRIÈRE

L’ÉVOLUTION DE LA CITÉ OUVRIÈRE

AU XIXE SIÈCLE, DANS LES GRANDS CENTRES D’ACTIVITÉ, LES OUVRIERS ET LEURS FAMILLES SONT LOGÉS À PROXIMITÉ DU LIEU DE TRAVAIL.

En créant des cités, les employeurs  délisent le personnel et assurent le renouvellement de la main-d’oeuvre, embauchant très souvent leurs descendants.

Avec la révolution industrielle apparaît le phénomène des phalanstères*. La Société d’Exploitation des carrières de porphyre de Saint-Raphaël va développer son entreprise sur ce modèle.

Avec la croissance rapide de l’exploitation, le besoin de main-d’oeuvre devenant crucial, il est fait appel à l’immigration italienne.

Les premières maisons ont été bâties en 1872 et l’extension de la cité s’est poursuivie jusqu’en 1950.

* Groupe de personnes vivant en communauté et ayant des activités et un but commun ; lieu où vit ce groupe.

L’ÉCOLE DU VILLAGE

l'école du Dramont

DEPUIS 1883 UNE ÉCOLE CONSTRUITE PAR L’ENTREPRISE ÉTAIT RÉSERVÉE AUX ENFANTS DES OUVRIERS. L’ENSEIGNEMENT ÉTANT ASSURÉ PAR DES RELIGIEUSES QUI, PLUS TARD, SERONT REMPLACÉES PAR TROIS ENSEIGNANTS LAÏCS.

Le Dramont est le seul quartier, hors du centre de Saint-Raphaël, à posséder une école, ce privilège se poursuivra jusqu’à la fin des années vingt.

LA CHAPELLE SAINT ROCH

JUSQU’À LA CONSTRUCTION DE LA CHAPELLE, LE PLUS PROCHE LIEU DE CULTE ÉTAIT À AGAY, OBLIGEANT FEMMES ET ENFANTS (QUI ÉTAIENT TRÈS PRATIQUANTS, CONTRAIREMENT AUX HOMMES) À SE RENDRE À PIED DANS CE QUARTIER VOISIN.

La Chapelle du Dramont est construite à partir 1928, à l’initiative de Monsieur Libaud, directeur de la Société des Carrières et grâce aux dons de Messieurs Provost de Launay et Cornet, ses administrateurs.

Elle est consacrée le 19 février 1929 par l’Évêque entouré d’ecclésiastiques de Saint-Raphaël, des mécènes et aussi de la population à qui était destiné ce lieu de culte. L’édifice avec clocher et sacristie, de style provençal, est dédié à Saint Roch, saint patron des carriers et des paveurs.

C’est de fait une chapelle d’entreprise, elle est d’ailleurs située quasiment sur le lieu de travail. La légende selon laquelle chaque ouvrier des carrières a façonné « avec amour sa petite pierre », n’est pas confirmée. La société employant des maçons pour ses différents travaux, les ouvriers ont probablement participé à la construction et utilisé des matériaux (tuiles, charpente notamment) récupérés de la démolition d’une briqueterie située à proximité. Il est vraisemblable qu’on ait fait aussi appel à une entreprise extérieure mais il est certain que les éléments importants de pierre taillée comme : l’autel, les bénitiers, le baptistère, la table de communion et les colonnes d’entrée ont été sculptés par les plus habiles des carriers Dramontois.

En 1933 la Société des Carrières dote la chapelle d’un harmonium.

LES HABITATIONS

LE VILLAGE EST PRINCIPALEMENT CONSTITUÉ DE PETITES MAISONS À 1 ÉTAGE COMPORTANT 2 À 5 LOGEMENTS.

Il s’agit en fait de 3 blocs accolés de 2 pièces qui peuvent être reliés par une porte. Un escalier de chaque côté donne accès à l’étage.

Ces maisons sont alignées le long des rues.

Entre chaque maison, il y a une bâtisse d’un seul niveau qui abrite des locaux de stockage : les indispensables cabanons.

DANS CES LOGEMENTS VIVENT 3 GÉNÉRATIONS

LES PARENTS, LES ENFANTS, SOUVENT NOMBREUX ET LES GRANDS-PARENTS QUI N’ONT PAS DE RETRAITE ET SONT À LA CHARGE DE LEURS ENFANTS.

À l’arrière de ces alignements de maisons, chacun possède un petit jardin que les ouvriers cultivent abondamment, un poulailler, des clapiers qui sont gérés en général par les grands-pères et les enfants.

Les grands-mères aident pour la tenue de la maison, la garde des petits-enfants, libérant souvent la maman afin qu’elle puisse travailler un peu à l’extérieur (vendanges, ménage, cuisine, etc.).

Souvent, elles cousent ou tricotent des vêtements pour toute la famille.

Dans cette organisation familiale règne l’autorité naturelle des parents et le respect des anciens, l’éducation y est rigoureuse mais bienveillante.

LA VIE AU VILLAGE, UN CONFORT PRÉCAIRE

LES LOGEMENTS RUDIMENTAIRES COMPRENNENT UNE GRANDE CUISINE ÉQUIPÉE D’UN ÉVIER AVEC « UNE PAILLASSE EN MALONS » ET UN TUYAU POUR L’ÉVACUATION DE L’EAU USÉE.

L’alimentation en eau n’étant pas prévue, il faut s’approvisionner à la fontaine la plus proche. Progressivement l’eau est arrivée dans les maisons.

Pour la toilette, les ouvriers disposent d’un grand bidon d’eau qu’ils placent à l’extérieur et l’utilisent pour se débarrasser de la poussière incrustée dans leur peau tannée.

Pendant une certaine période, il y a des douches publiques payantes, créées en 1931, ouvertes le samedi, qui permettent de faire une toilette plus agréable.

Les toilettes étant inexistantes, il faut gérer les « tinettes » ou utiliser les WC publics (3 blocs pour le village).

La cité dispose d’un lavoir public où les ménagères se retrouvent pour laver le linge. La lessive se fait à la maison dans la lessiveuse que l’on place sur un feu de bois.

LA SANTÉ

LE DOCTEUR VADON ÉTAIT PAYÉ PAR LA SOCIÉTÉ DES CARRIÈRES POUR SOIGNER LES HABITANTS DU VILLAGE ET LES OUVRIERS AU CABINET SITUÉ DANS LA CITÉ.

Puis un dispensaire est créé dans le village en 1930 et un médecin procède à des visites gratuites régulières le mercredi pour les ouvriers malades ou légèrement accidentés.

Par la suite, le Docteur Regis, surnommé le médecin des pauvres, assure des consultations à domicile, souvent gratuites ou payées en nature avec les produits du jardin ou du poulailler.

De même, une pouponnière voit le jour en 1950 et on y gère les carnets de santé des nourrissons et des enfants.

LA FAMILLE

Une famille nombreuse du dramont(11 enfants)

POUR LA PLUPART D’ENTRE EUX, LES CARRIERS ONT DES FAMILLES NOMBREUSES (4, 5, 6 ENFANTS OU PLUS).

La vie est rude mais la population est solidaire et supporte la précarité.

Les repas pour ces familles italiennes sont principalement constitués de polenta et de pâtes mais on tue un lapin ou un poulet le dimanche.

La chasse, la pêche, le braconnage et la cueillette améliorent l’ordinaire. Suivant les saisons, femmes et enfants vont cueillir des asperges, des champignons ou ramasser des escargots. De même, régulièrement, ils vont chercher des fagots de bois pour la cuisine ou de l’herbe pour nourrir les lapins.

Au début, il n’y a pas d’allocations familiales, de chômage ou d’indemnité d’accident du travail.

Pour aider la famille, les enfants apportent leur contribution en réalisant de menus travaux et notamment des couronnes de perles pour les Pompes Funèbres (ils manquent souvent l’école pour travailler davantage).

Compte tenu de l’origine de cette population et des conditions de vie, les femmes sont catholiques pratiquantes et les hommes plutôt mécréants. Le dimanche, mères et enfants se rendent à pied à Agay pour assister à la messe, jusqu’à ce que leur propre lieu de culte, la Chapelle Saint Roch, soit construise en 1929.

Les enfants sont éduqués suivant des valeurs humaines et sont respectueux des traditions.

LES COMMERCES

Boulangerie du Dramont

DANS LE VILLAGE, LA VIE S’ORGANISE ET DES COMMERCES SE CRÉENT

POUR LES OUVRIERS, LA SOCIÉTÉ DES CARRIÈRES OUVRE UN ÉCONOMAT AVEC DES PRODUITS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ QU’ILS NE PAYENT PAS COMPTANT MAIS QUI SONT PRÉLEVÉS SUR LEUR PAYE (IL N’Y A PAS DE CRÉDIT).

Les Dramontois n’ayant pas de moyen de conservation et très peu d’argent font leurs achats quasi quotidiennement, ainsi il y a tous les jours une activité commerciale importante car le village abrite en moyenne près de 1 000 personnes.

LES COMMERCES

CHEZ LES COMMERÇANTS, LES OUVRIERS FONT SOUVENT « MARQUER » ET PAYENT QUAND ILS LE PEUVENT.

Boulangeries, boucherie, épiceries, coiffeur, tabac, même une cantine qui fait restaurant et plats à emporter, sont les principaux commerces avec les cafés où, le dimanche, « on va danser ».

En plus de ces commerces sédentaires, il y a les commerçants ambulants qui viennent du centre-ville ou de Fréjus pour vendre vêtements, accessoires de cuisine ou bazar, généralement juste après la paye de la quinzaine (les ouvriers étant payés les 1er et 15 du mois).

La vente au porte-à-porte est régulière avec les pêcheurs du Port du Poussaï qui proposent le produit de leur pêche du jour.

Venant d’Agay, les marchands de fruits et légumes du Castellas et du Grenouillet alimentent les épiceries et procèdent parfois à de la vente directe.

Durant l’activité de la ferme des Ferrières, l’exploitante vient vendre le lait de son unique vache.



LES LOISIRS

LES ACTIVITÉS DU VILLAGE

LA SOCIÉTÉ DES CARRIÈRES EMPLOYAIT UN PERSONNEL TRÈS IMPORTANT, LOGÉ SUR PLACE. CES OUVRIERS AVAIENT LA PARTICULARITÉ DE SE CONNAÎTRE PARCE QU’ILS ÉTAIENT SOIT PARENTS, SOIT ORIGINAIRES DE LA MÊME RÉGION D’ITALIE.

Ces gens-là qui étaient déracinés, qui n’avaient plus de passé et dont l’avenir était très incertain compte tenu des difficultés de leur travail et de leurs conditions de vie, « survivaient » au jour le jour mais appréciaient le repos dominical dont ils bénéficiaient à partir de 1906.

Certains pratiquaient le football, d’autres la musique, d’autres encore la chasse ou la pêche mais quasiment tous se retrouvaient dans les bals populaires du dimanche et surtout lors des fêtes traditionnelles telles que la Sainte Baume, la Sainte-Barbe, le corso du mimosa, le carnaval, le pèlerinage à Sainte Roseline…

FÊTES ET LOISIRS

Bal au Dramont

CHAQUE DIMANCHE APRÈS-MIDI, LA SALLE DU CERCLE ÉTAIT COMBLE, ON Y DANSAIT BIEN ENTENDU ET, DE MÉMOIRE D’ANCIENS, LES « TRACTIONS AVANT » DES RAPHAËLOIS STATIONNAIENT DEVANT L’ENTRÉE.

L’élection de la Miss Saint-Raphaël s’y est déroulée avant la guerre de 1939. C’est Mademoiselle Vitti qui a été élue avec Mademoiselle Mondani comme première dauphine.

Le samedi et le dimanche soir, il y avait un bal dans les quatre bars du quartier : Giraudo, Ferrero, Guazzetti, Bartolini. Ces soirées se terminaient toujours par des bagarres monstres avec les « Raphaëlois » car les ouvriers italiens étaient fiers et ne voulaient pas que les Dramontoises se laissent approcher par les « étrangers ».

Le 4 décembre, la Sainte-Barbe (patronne des carriers et artificiers) était une journée chômée : les ouvriers des carrières défilaient dans le village, puis se rendaient au Cercle où un bon repas les attendait, organisé par la Société employeur.

Quelques années après, ce jour-là était organisée une sortie en autocar : Castellane, Barrage de Castillon en 1953, etc.

Pour Noël, autour d’un grand sapin, les enfants des ouvriers goûtaient et recevaient des noix et une orange. Plus tard ils ont eu droit à un cadeau.

Le Corso du Mimosa était l’occasion de se regrouper pour réaliser le char qui représenterait le Dramont lors de la manifestation qui se déroulait à Saint-Raphaël.

Les habitants se retrouvaient dans le garage situé sous la salle du Cercle, à côté de l’Économat et travaillaient avec acharnement afin d’être prêts pour le jour J. Tout se faisait en secret car il ne fallait pas dévoiler le thème choisi : il y a eu une comète, un papillon et plusieurs fois l’Île d’Or !

Il fallait se lever tôt pour cueillir le mimosa car les Agathoniens, qui préparaient aussi leur char, aimaient bien ne laisser aux Dramontois que les feuilles ! C’était toujours sujet à disputes…

Pour le Carnaval, tout le monde se déguisait. Même avec peu de moyens, les gens faisaient preuve d’imagination et avaient de beaux costumes.

Une année, juste avant la guerre, les deux soeurs Mondani, Marie et Emilia, avaient des tenues qui représentaient « La France » avec une couronne de lauriers et une écharpe tricolore, et « l’Italie » avec une couronne et les couleurs du pays.

Ces deux jeunes filles présentaient une banderole indiquant « Union des deux soeurs latines ».

Elles remportèrent le premier prix (un service à liqueur) sous les applaudissements du jury.

Bizarrement, l’Italie déclara la guerre à la France quelques mois après…

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